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dédit-formation
 

clauses de dédit-formation
dangeureuses...

[drh-fr], [cftc-cgey], [JurisPN]


Voici quelques pistes de réflexion sur ce sujet et ses alternatives.
Au menu, prudence, rapport de force, prime de formation, retenue sur salaire, éthique, déontologie et citations.
Rappels, mes
commentaires en italique rouge sont ceux d'un informaticien, pas d'un spécialiste du Code du travail, cf. Avertissement.

Voilà le type de réaction que l'on peut au sujet d'une courte formation de 10 jours entraînant une clause de dédit-formation sur... 2 ans!

Date: octobre 1998
Il semble que le dédit formation soit une nouveauté des SSII de la CCN Syntec. Le rapport entre la durée de la formation et la fidélité imposée parait abusive.
Ce dédit s'applique surtout dans des cas de formations longues.
Quelle est votre société ? J'en référerais à la chambre syndicale Syntec? 

[cftc-cgey] nous appelle à de la prudence, sans remettre en cause le bien-fondé ou la légitimité de telles clauses dans le milieu informatique :

Dédit-formation : prudence

    Avec l'organisation des professions, certaines divisions ont le souci légitime de donner à leurs consultants des formations coûteuses et valorisantes, aux ERP par exemple.
    L'inscription à ces formations s'assortit d'un dédit à signer par le salarié. Cet additif au contrat de travail engage le signataire à ne pas quitter la société après sa formation, avant un délai explicitement mentionné dans le texte - et proportionnel à la durée de la formation. Faute de quoi, il devra rembourser le prix payé par la société pour le former.
    Nous ne voyons pas d'inconvénient au principe d'une telle clause. Mais nous maintenons que malgré certaines modifications de ces dernières années, le texte en vigueur contient des mentions irrecevables.
    Exemples :
- le prix de la formation et la réalité du paiement ne sont pas toujours vérifiables ;
- le remboursement est demandé même en cas de licenciement du salarié.
Heu... le dernier point est carrément illégal!

Ne signez pas de dédit-formation dans l'urgence. Prenez le temps de lire, et contactez votre syndicat en cas de doute.

    Depuis le développement de l'offre ERP, [SSII] s'est mis à investir considérablement dans les formations coûteuses comme Oracle, SAP, People Soft, etc.
    C'est un effort louable pour doter les salariés de compétences recherchées sur le marché.
    Dans ce cas, la loi fournit à l'employeur un moyen de fidéliser ces salariés ; s'ils quittent la société avant un délai donné, ils s'engagent à rembourser leur formation :
    Il est vrai qu'un turn-over proche de 20 % est préoccupant pour [SSII]. Et dans notre métier, la fuite des cerveaux se traduit instantanément en perte de marchés.
    Mais l'option choisie par [SSII] pour y remédier semble bien négative : plutôt que de gagner l'adhésion du personnel par des conditions favorables (motivation, considération, politique salariale, actionnariat), on empêche de partir les meilleurs éléments par des moyens plus coercitifs.
    Ça ne réussit d'ailleurs pas toujours : s'ils sont vraiment très bons et très décidés à s'en aller, ils font rembourser leur formation par leur futur employeur !
[SSII] ne peut pas gagner partout à la fois :
- d'un côté, la clause de mobilité du contrat de travail soumet le salarié à une mobilité géographique imposée, et l'on sait que son refus a déjà abouti à des licenciements ;
- d'un autre côté, la clause de dédit-formation telle qu'elle est rédigée supprime toute mobilité professionnelle, choisie ou imposée puisqu'elle se voudrait applicable même en cas de licenciement.
    Cas d'école : vous êtes embauché, formé, envoyé çà et là, tout va bien.
    Au bout d'un an, vous avez un enfant, vous ne pouvez plus vous déplacer : licenciement pour refus de mobilité, application de la clause de dédit-formation, et avec un peu de malchance, de la clause de non-concurrence qui vous "grille" dans votre ville, votre département ou votre région.
    Professionnellement, vous êtes toujours aussi bon, mais peut-être un peu déprimé, chômeur et endetté.
    Conclusion : en ces temps de concurrence féroce, votre valeur professionnelle est directement proportionnelle aux difficultés que vous aurez à mener votre carrière comme vous l'entendez.
Ce n'est pas partout comme cela. Là, il s'agit d'une grande société de prestations informatiques (avec, et c'est un signe, un syndicat!).

Le problème de la clause de dédit-formation est le recours quasi-systématique aux jurisprudence pour tout trancher, d'où le problème posé par
[JurisPN] du rapport de force. Bien que cela s'inscrive dans un milieu professionnel différent de l'informatique (la formation du personnel navigant des compagnies aériennes), cela interpelle :

    La jurisprudence va à terme avoir un effet de frein au niveau de la formation surtout dans les petites et moyennes entreprises qui ont, il est vrai, l'apanage du contentieux juridique et judiciaire lié aux dédits-formation et pour cause. Ces compagnies font souvent office de "réservoir de pilotes" pour des compagnies plus importantes qui elles, par les conditions de travail et de carrière qu'elles proposent aux navigants, n'ont d'une part aucun mal à recruter, et d'autre part ne sont pratiquement jamais confrontées à ce type de problème.
    Pour les autres, celles qui sont restées prisonnières de la logique du rapport de force soit par manque d'imagination soit par manque de compétence des dirigeants, leur conservatisme chronique les abonne malheureusement aux Conseils de Prud'hommes et autres Cours de justice et les relègue au rang d'écoles de pilotage, étapes de transit et de mûrissement pour pilotes à destination des compagnies majeures sans oublier qu'une procédure judiciaire a un coût car elle nécessite du temps, des compétences et de l'argent.

On peut se demander si la clause de dédit-formation ne connaîtrait pas quelques alternatives.
[JurisPN] nous affirme que oui, il existe d'autres formes (mais toujours dans  un domaine professionnel - la formation du personnel navigant des compagnies aériennes - bien différent de l'informatique). Toutefois, cela reste une piste de réflexion.

Une autre approche : la "prime de formation"
   
Dans les pays anglo-saxons, le dédit-formation est géré différemment car il est abordé sous un tout autre angle, celui de l'intérêt réciproque du navigant et de sa compagnie. Ici, l'habitude est prise dans le dialogue social et ce depuis longtemps, sans rien céder, de jouer la carte "gagnant-gagnant".
    En effet, l'entreprise formatrice minore le salaire du navigant durant la période de formation et d'astreinte ou d'amortissement. A l'issue de cette période, l'entreprise réajuste le salaire du navigant à la hausse sur la grille standard et, en plus des sommes retenues (placées), elle lui reverse des intérêts majorés sous la forme d'une "prime de fidélité". Cela fait un joli petit pécule qui permet souvent au navigant de négocier un bon crédit pour l'achat d'une maison ce qui est un élément majeur de stabilité.
    L'employeur est également gagnant car, la stabilité des effectifs, constitue une économie en soi et un facteur contribuant à la sécurité des vols. Il peut aussi tout en économisant sur les frais de justice et d'avocat, disposer d'une certaine somme sur une certaine période ce qui aura comme incidence, entre autres, une diminution de ses frais financiers. [....]
    Le salarié est toujours libre de démissionner (il le fait rarement) et dans la longueur de temps, il est possible d'affirmer que les deux parties y gagnent largement. Ce système, qui procède définitivement d'un autre état d'esprit, constitue une approche réaliste du problème, sans rapport de force, sans contrainte, sans faute ni sanction.
    Pourtant, il n'est pas certain que ce système, pratiqué avec succès par de nombreuses compagnies à l'étranger, puisse être directement et sous cette forme transposable en France. En effet, les retenues sur salaire étant strictement réglementées, le seules options légales et valables pour aller dans ce sens sont :
- le placement volontaire et conventionnel par le navigant de la mensualité convenue dans un compte ou un fonds de placement prévu à cet effet ;
- une grille salariale comportant un "salaire minoré" durant la période d'astreinte qui devra être égale pour tous les nouveaux embauchés car dans le cas contraire il serait aisé de faire constater qu'à travail égal et ancienneté égale, il y a discrimination entre le navigant formé par la compagnie et celui qui est entré dans la compagnie déjà qualifié.[...]
    Toutes les autres solutions consistant notamment à favoriser l'endettement des aspirants pilotes en dissociant le contrat de travail de la formation devant servir par la suite à la relation de travail, ne paraissent pas, faute de  réglementation spécifique et stricte et aussi de déontologie professionnelle, ni acceptables, ni viables sur le long terme. Certes sur le plan des rapports sociaux, on y gagnerait en sérénité, tous les conflits en découlant seraient du domaine des juridictions civiles voire même commerciales mais, cette opération commerciale de fourniture de service, dans laquelle le navigant est le "client" du "formateur" et rien de plus, ne manquerait pas de susciter des nouveaux problèmes car :
- elle déresponsabilise l'employeur et favorise la concurrence sur le terrain des coûts (aujourd'hui on économise sur la formation ; demain ce sera sur l'entretien et la sécurité) ;
- elle peut entraîner facilement de nombreux abus (promesse d'emploi si achat de formation mais promesse non tenue ou échec prévisible à l'issue) ;
- l'accès à la profession se fera de plus en plus et uniquement sur des critères financiers (plus grande inégalité) ;
- elle favorise le surendettement de jeunes navigants en début de carrière (certains d'entre eux, jugés par la suite inaptes aux épreuves en vol, parce que mal évalués ou mal formés, auront, en plus du sentiment d'échec un lourd fardeau à traîner sur plusieurs années) ;
- elle permet à l'employeur de se dérober face à ses obligations légales de formation ;
- elle s'avère inéquitable et même préjudiciable à la sécurité des vols car elle permet un certain favoritisme sous forme d'actes de carrière plus rapides et gratuits pour certains, alors qu'ils seraient payants pour d'autres. En effet, la prise en compte par l'employeur de la formation de certains navigants jugés "bons éléments" précisément ceux qui pour être reconnaissants seront un jour peu regardants sur l'état technique des avions et la réglementation peut devenir un facteur de diminution de la sécurité. Cette pratique pourrait permettre d'exclure plus souvent des actes de carrière "gratuits", les représentants du personnel et les syndicalistes ;
- elle fait supporter au salarié une partie du risque d'erreur associé au choix de flotte.

    Dans les rapports de travail en général, qu'ils soient individuels ou bien collectifs - et les clauses pénales de dédit-formation en sont l'illustration fidèle - ce qu'il est urgent de changer, ce n'est pas prioritairement le système ou bien la méthode de calcul mais plus utilement l'état d'esprit.

Sur un plan plus général, il faut savoir qu'une clause de dédit-formation, dont l'usage est détourné pour empêcher le salarié de démissionner et le "fidéliser de force" est une démarche très discutable au niveau de l'éthique et de la déontologie.
[JurisPN], encore lui, nous éclaire sur ces 2 notions : 

    Sans aller jusqu'au cœur de l'œuvre d'Aristote qui, dans "L'Éthique à Nicomaque", s'interroge sur la nature de la vertu et les moyens qu'il faut employer pour être vertueux, il est possible de définir l'éthique, à l'image de la morale, comme un code de conduite
    La "déontologie" peut être définie comme étant un ensemble de règles de conduite pratique, de "ce qu'il faut faire" dans un groupe précis, dans le cadre restreint d'une activité déterminée.

    Dans certains domaines de pointe comme par exemple la recherche, la génétique et la médecine où existe déjà une déontologie, on assiste de plus en plus à la création de "comités d'éthique" comités de sages en quelque sorte, chargés d'examiner les nouvelles questions morales engendrées par les découvertes scientifiques.

    Éthique et morale ressortent de principes généraux, plus ou moins communs à tous, quelques soient les métiers, la technique ou la mission.
    La déontologie quant à elle est "spécialisée" par essence : la déontologie des [informaticiens] n'est pas celle des journalistes ou des médecins et elle doit provenir des [informaticiens] eux-mêmes ...

Terminons par quelques paroles d'experts :

  • « Chacun doit s'agiter soi-même, être à l'affût des opportunités, les saisir, voire les provoquer. » V. Guillot-Pelpel, DRH de Paribas
  • « Quand par vile sujétion et contrainte sont écrasés et asservis, [les gens] tendraient à enfreindre ce joug de servitude, car nous entreprenons toujours choses défendues et convoitons ce qui nous est dénié . » Rabelais, Gargantua
  • « Quand on a assez fait auprès de certaines personnes pour avoir dû se les acquérir, si cela ne réussit point, il y a encore une ressource, qui est de ne plus rien faire. » La Bruyère
  • « 66 % des cadres français estiment que l'entreprise n'attache aucune importance à leur avenir » L'Expansion, octobre 1998

               
 
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