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Témoignage sur la vie d'un IS
Windows
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Un "IS", en français dans le
texte, est un Ingénieur
Système. Et quand il a le malheur d'administrer un parc
de machine Windows... la légende veut qui tourne un peu au psychopathe...
C'est un classique des classiques, apparu
peu après la sortie de Windows NT. Ce texte tourne sur le net
depuis 1997! Mais il est à prendre avec humour : les
dernières versions de Windows NT (patch 6, le dernier puisque
le produit ne sera bientôt plus supporté par Microsoft) sont
"gérables". De plus Windows2000 et WindowsXP ont
constitué de vraies améliorations!
Mais bon, pour le plaisir, voici "le
jour le plus long", version ingé' sys' Windows ;)
Rq : si Linux n'est pas
oublié, vous avez également une longue description des méfaits d'un ingénieur système sous
Linux! 
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Introduction |
Je suis ingénieur système, je sais je ne devrais pas m'en vanter. Lorsqu'on
me demande quel est mon métier il m'arrive de plus en plus souvent de
répondre « je suis dans l'informatique ». Cette vague formulation a au moins
le mérite de m'éviter la lueur de haine méprisante qui apparaît
instantanément dans l'œil de l'interlocuteur le mieux disposé au simple
énoncé de mes coupables occupations. Je suis lâche. La prochaine fois je
répondrai « tueur à gages », le relâchement des mœurs étant ce qu'il est, cela
devrait moins choquer.
C'est un métier gratifiant à bien des points de vue, c'est
vraisemblablement le seul où le néophyte total, celui qui vient d'ouvrir
son premier carton d'ordinateur se sent en mesure de vous expliquer votre
métier dans le quart d'heure qui suit le montage de sa bécane.
A ma connaissance conduire une voiture ne transforme personne en
mécanicien, pas plus que raboter une porte ne fait de vous un ébéniste,
mais taper sur un clavier fait de tout un chacun un informaticien. On
n'arrête pas le progrès.
N'allez surtout pas croire que je veux garder pour moi les clés du savoir
et en tenir éloigné le vulgum. Que je regrette le temps ou les ingénieurs
système détenaient le pouvoir abrités derrière leurs incantations
absconses. Nenni.
Bien au contraire, étant d'un naturel assez paresseux, pour ne pas dire
d'une fainéantise crasse, je préfère de très loin un utilisateur qui se
débrouille sans moi.
Mais je reste persuadé qu'informaticien c'est aussi un métier.
Par contre je regrette - parfois - le temps où le métier consistait à
surveiller un Vax, ceux qui ont connu cela savent à quel point c'était
reposant, ou alors à rebooter une station Unix tous les trente six du mois pour justifier son existence.
Avec l'arrivée des PC et surtout de Windows nous sommes entrés de
plain-pied dans ce que l'on pourrait appeler l'ère du Chapelier Fou, c'est
à dire l'irruption de l'irrationnel dans ce qu'il a de plus poétique et de
moins maîtrisable au beau milieu d'un monde jusque là bien tenu.
En vertu d'un darwinisme élémentaire il a bien fallu s'adapter.
Aujourd'hui être IS dans le monde merveilleux de
PetitMou, c'est être un hybride monstrueux, un mélange aussi subtil qu'indéfinissable de
chaman, de Ménie Grégoire, de
Dédé la Bricole, de Bobologue, de
charlatan et de psychopathe.
Je ne remercierai jamais assez Bill Gates pour avoir transformé un métier
relativement terne et basé sur une approche bêtement technique et
rigoureuse des faits, en challenge quotidien, nécessitant une remise en
question permanente à l'échelle du quart d'heure.
Quoi de plus stimulant sinon de savoir que résoudre un problème ne viendra
en aucune façon enrichir ce qu'il est convenu d'appeler l'expérience,
puisque le même problème nécessitera lorsqu'il se posera à nouveau une
solution radicalement différente. On évite ainsi la sclérose intellectuelle consécutive aux automatismes.
Résoudre un problème nécessite une imagination à côté de laquelle le récit
d'un trip sous champignons hallucinogènes pourrait passer pour le
compte-rendu de l'assemblée générale des actionnaires de la Sociéte
Nouvelle des Aciéries Mouchabeuf. Le cartésianisme n'est pas un atout mais un grave handicap vous empêchant d'aborder les
hypothèses les plus farfelues. Et il faut bien cela quand après avoir
éliminé les causes raisonnables de dysfonctionnement vous êtes amené à
envisager le reste, qui se situe généralement tout de suite entre les histoires de petit lutin et la quatrième dimension.
La seule chose que je me refuse encore à pratiquer c'est l'imposition des
mains et le voyage à Lourdes, plus par réaction de mécréant que par doute quant à l'efficacité des méthodes en
question. je sens qu'avec l'arrivée de Windows 98 il va me falloir opérer
une révision déchirante quant à mes convictions profondes.
Quand je pense que certains recherchent les paradis artificiels, et que
l'on me paye pour être en état perpétuel d'hallucination. La vie est bien
injuste, allez.
Tout cela serait finalement bien monotone s'il n'y avait
l'utilisateur, car il existe l'utilisateur, c'est vous et moi.
Victime d'une intoxication à l'échelle planétaire, d'un gigantesque et
collectif lavage de cerveau il s'imagine qu'il va pouvoir tirer quelque
chose de sa bécane, être productif, voire même dans les cas les plus graves
envisager un retour sur investissement.
Aujourd'hui l'utilisateur perverti par des slogans pernicieux du style
"Jusqu'où irez vous ?" exige que ça marche, et c'est bien là où tout se
gâte, le décalage entre cette légitime attente et ce que l'illuminé de Redmond est capable d'apporter me déprime.
"Jusqu'où irez vous ?", jusqu'à l'asile le plus proche sans doute.
Comment voulez vous qu'un truc qui est à un système d'exploitation ce que
Mireille Mathieu est à Edith Piaf, ce bricolage improbable écrit avec les
pieds par une nuée de pervers schizoïdes puisse fonctionner ?
Le mensonge le plus grossier colporté par les sectateurs microsoftiens est
celui selon lequel un PC convenablement équipé de l'inénarrable Windows et
du fourbi Office dont j'ai oublié le millésime car il change en permanence,
fonctionnerait seul et sans assistance.
Le récit d'une journée ordinaire au royaume du Chapelier Fou contredit
quelque peu cette idyllique vision du meilleur des mondes possible. Ce doit
être une question de numéro de version, sans doute.
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Mardi
8 heures |
Le calme avant la tempête, je peux l'esprit en repos me consacrer à un
projet qui me tient à cœur; émuler une calculette quatre opérations sur un
Vax de la série 8000. Je tenterai l'inverse dès que j'aurai mené à bien
cette partie. |
Mardi
9 heures
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Un premier coup de téléphone laconique, "Tu peux venir jeter un coup
d'oeil, mon PC est bloqué", sous cette apparence anodine peut se dissimuler
le cauchemar le plus absolu, les raisons qui peuvent amener un PC à se
bloquer sont légions, la première étant d'appuyer sur le bouton marche. Je suis d'autant plus inquiet que mon client est un
dingue de la vitesse.
C'est un peu l'équivalent du chauffard , il parle de bus AGP là où les
autres parlent de carburateur double corps, mais la démarche est la même,
aller le plus vite possible en semant la terreur sur son passage. Profitant
d'un instant d'égarement de son chef de service il a réussi à se faire
payer le dernier Pentium à 333 Mhz, ce qui lui permet de gagner cinq
secondes sur la mise en page de sa feuille de calcul.
C'est comme on le voit une avancée considérable à la mesure de
l'investissement consenti.
Je le trouve un peu déprimé car on annonce déjà le Pentium à 400 Mhz ou
plus et il contemple avec amertume ce qu'il considère déjà comme
l'équivalent d'une caisse à savon.
J'essaye de le réconforter en lui disant qu'avec la bête qu'il possède il
devrait éviter d'ouvrir deux fenêtres en même temps pour ne pas faire de
courants d'air. Une boutade bien innocente, c'est le côté Ménie Grégoire de
la profession, mais je sens bien qu'il n'y croit pas. Les grandes douleurs
sont souvent au delà des mots.
Mais revenons à nos moutons, PC bloqué. Effectivement passé le démarrage
tout ce que nous obtenons c'est un sablier désespérément figé, je suis
tenté de répondre que c'est parfait pour faire des oeufs à la coque mais
quelque chose dans son air égaré me dit que je ferais aussi bien de me taire.
C'est alors que j'envisage du coin de l'oeil un CD-ROM offert par PC truc
"Mesurez les performances de votre PC", eh oui ça ne sert à rien d'aller
vite encore faut-il pouvoir l'exprimer en Business Graphics, WinMark 98,
High End Disk WinMark 98 et autres CPUMark32, c'est requis pour humilier à l'heure du café les ploucs avec
leurs Pentium 133.
Je lui demande si par le plus grand des hasards il n'aurait pas monté ce
truc là sur sa machine, je connais la réponse. Il est d'ailleurs mentionné
en tout petit sur le CD que l'installation de cette suite de tests devrait
être effectuée sur une machine quasi vierge et pas sur un système
normalement opérationnel, "cela pouvant provoquer des dysfonctionnements".
Des "dysfonctionnements", tu l'as dit bouffi. Diagnostic; je t'envoie
quelqu'un pour te remettre un système d'équerre celui-ci étant parti en
villégiature à la campagne, pour une durée indéterminée.
Rendez-vous est pris pour la parution du prochain CD de tests de PC
machin.
Au suivant.
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Mardi
10 heures |
Juste le temps de constater le plantage d'un serveur NT. Quelqu'un a
vraisemblablement éternué devant, c'est très sensible comme système. Bon,
reset, redémarrage, la routine quoi.
Deuxième coup de téléphone "Tu n'aurais pas cinq minutes des fois, il se
passe parfois des choses curieuses sur ma machine".
Connaissant mon correspondant la seule chose curieuse dans tout cela c'est
le parfois, il est stupéfiant que ce ne soit pas toujours.
C'est qu'il s'agit de la variété dite de "l'esthète taquin", épouvanté par
l'uniformité il a installé sur sa machine tous les thèmes possibles, le
pointeur de souris est un calamar, le sablier une horloge Comtoise,
l'économiseur d'écran qui se déclenche toutes les minutes est un jeu de
baston intergalactique avec force sifflements et explosions. Car il a bien
évidemment une carte son.
C'est indispensable pour reproduire le rire de Johny Hallyday selon les
Guignols de l'info, rire qui accompagne les messages d'avertissement. Tout
cela est un peu perturbant.
Ayant de surcroît accès à l'Internet il a récupéré et installé tous les
sharewares
possibles, il n'y a plus aucune pièce d'origine sur sa machine,
il a tout remplacé et il est seul à pouvoir s'en servir. Il est assez
surprenant qu'il ne soit obligé de rebooter sa machine qu'une fois par
heure. Je suis peut-être injuste envers PetitMou.
A l'intérieur de tout grand logiciel il en existe plusieurs petits qui ne
demandent qu'à sortir, là c'est la grande évasion, il suffit de coller
l'oreille contre le boîtier pour les entendre se carapater. Tout ce joli
monde doit se battre en permanence pour prendre le contrôle du système.
C'est un cas désespéré. Je m'en sort lâchement en lui disant d'aller
récupérer sur www.crap.com la dernière version de son anti-virus/gestionnaire de fichiers/explorateur/compacteur-/logiciel de
sauvegarde/éditeur de textes/navigateur internet, et me tire vite fait sans
toucher à la souris de peur de déclencher un Tchernobyl dans sa machine.
Au suivant.
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Mardi
11 heures |
De retour dans mon bureau je constate le plantage d'un autre serveur NT,
par solidarité avec le premier sans doute. L'instinct grégaire ou le début
d'un mouvement de revendications. A surveiller.
Autre coup de téléphone, en provenance d'une espèce bien particulière, la
variété qui se shoote à la presse informatique, on ne dira jamais assez les
ravages que cela peut provoquer. Stratège planétaire, il m'explique comment
l'introduction de Java dans les entreprises va révolutionner la façon dont
nous envisageons l'informatique. Comment Sun va bouffer Microsoft à condition qu'Oracle s'allie avec Apple
et que Compaq ne vienne pas jouer les trouble-fête. Il me prédit la mort
prochaine d'Intel victime de ses challengers, et écrasé sous son gigantisme.
Au bout d'un moment atterré par toutes ces apocalypses à venir, je ne sais
plus très bien où j'habite et c'est légèrement comateux que je raccroche en
espérant ardemment que tout cela voudra bien patienter jusqu'à ma retraite.
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Mardi
13 heures |
Coup de téléphone angoissée en provenance d'une secrétaire, "Quand je lance
mon Word avec un document que j'ai tapé hier, j'ai le message suivant;
cette application va s'arrêter car elle a effectuée une opération non
conforme", je suis tenté de lui répondre qu'il s'agit là d'un
fonctionnement normal de l'application, mais je m'abstiens. Son désarroi
est sincère et la perte de plusieurs heures de travail ne porte pas à rire.
Bon en route vers de nouvelles aventures. Cette charmante personne au
demeurant, appartient à la catégorie de ceux qui considèrent l'introduction
de l'informatique dans leur quotidien comme une calamité. L'espèce de truc ronronnant qu'on lui a posé
sur son bureau est pour elle, visiblement habité par un esprit hostile et
rebelle à toute collaboration avec le genre humain. Elle a bien essayé de
l'apprivoiser en le banalisant, en installant un pot de fleurs sur le
boîtier et la photo de ses gosses sur l'écran, mais rien n'y fait, habité
d'une vie propre il s'ingénie à lui pourrir l'existence.
Elle serait je crois soulagée, si je suspendais des gousses d'ail et des
crucifix au plafond et aspergeait sa machine d'eau bénite, c'est le
côté chaman de la profession.
A la vingtième tentative je réussis à charger son document sans déclencher
l'infamant message de vacances pour cause de non conformité des opérations
effectuées par l'application, il s'agissait d'un tableau coupé par un saut
de section, quelque chose de tellement grave selon Microsoft que cela
méritait un plantage radical.
Peut-être qu'une destruction totale de la machine aurait été plus
appropriée, je les trouve un peu laxistes ces temps ci. Problème corrigé.
Au suivant.
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Mardi
15 heures |
De suivant il n'y en eu point ce jour là, je terminais ma journée
tranquillement entre deux reboot de serveur NT, et mes travaux sur la
reconversion d'un Vax en calculette. J'en étais à la soustraction, je ne désespérais pas d'arriver à la division
à l'horizon 2005.
J'aurai certainement besoin de 512 mégas de mémoire vive supplémentaire
pour l'implémenter, c'est le directeur financier qui va encore râler.
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Conclusion |
C'est une certitude demain amènera son nouveau lot de victimes.
Si tous ces gens savaient qu'au fond je ne maîtrise guère plus qu'eux tout
cela, que le métier est de bien peu de secours quand Word ou Excel ou que
sais-je se bauge lamentablement, que le temps ou une entreprise vivait sur des applications
maisons est définitivement révolu.
Bah je fais comme si je dominais, c'est ce qu'ils attendent de moi, c'est
le côté charlatan du métier. Et puis ils ont au moins quelqu'un
d'identifié à engueuler.
Quant à moi je m'endors tous les soirs en rêvant aux tortures que je ferai
subir à Bill Gates s'il venait à me tomber sous la main. C'est le
côté psychopathe du métier. |
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