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Moe-Moa :
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(Christophe Thiry) |
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Définitions
[TLFI]
Dans le domaine de l'industrie, on appellera :
- Maître d'Ouvrage (MOA)
la personne physique ou morale qui commande l'exécution d'un
ouvrage et en assure le financement.
[en très gros, c'est le "client", "celui qui
paie".
Aujourd'hui, il représente l'utilisateur qui devient
concepteur. Il détermine les fonctions, leurs priorités et
impose la "dynamique applicative".]
- Maître
d'œuvre (MOE) la personne physique ou morale, mandataire
du maître d'ouvrage et responsable de l'exécution des
travaux.
[par analogie, celui qui assure la conception, la direction,
la réalisation des travaux.
Il représente une force de solution et de proposition
technique. Sous la double pression des nouveaux types
d'applications et des contraintes économiques, il fusionne en
un seul profil de concepteur-développeur les rôles de
l'analyste et du programmeur.]
Où est le problème ?
En 1995, une étude du Standish Group dressait un
tableau accablant de la conduite des projets informatiques.
Reposant sur un échantillon représentatif
de 365 entreprises, totalisant 8 380 applications, cette étude
établissait que 16,2 % seulement des projets étaient
conformes aux prévisions initiales, 52,7 % avaient subi des dépassements
en coût et délai d’un facteur 2 à 3 avec diminution du
nombre des fonctions offertes, 31,1% ont été purement
abandonnés durant leur développement.
Pour les grandes compagnies, le taux de
succès tombait à 9 % alors que seulement 42 % des
fonctionnalités commandées ont été effectivement livrées.
Ces statistiques peuvent être interprétées
de différentes façons selon qu’on les considère avec le
point de vue du maître d’ouvrage (MOA) ou avec celui du maître
d’œuvre (MOE).
Du point de vue du maître
d’ouvrage, elles indiquent une incapacité
à sélectionner le maître d’œuvre qui saura réaliser le
système souhaité, aux conditions économiques de coût,
qualité, fonctionnalité et délai.
Du point de vue du maître
d’œuvre, elles indiquent :
- soit une incapacité à faire un devis
sérieux des travaux à réaliser pour livrer le système
commandé aux conditions fixées par le contrat puis à
diriger la réalisation
- soit une incapacité à dialoguer avec
le MOA, ne serait-ce que pour lui expliquer que le système
commandé est infaisable aux conditions fixées par le contrat
ou, encore, que l’expression de besoin est trop instable ou
économiquement mal fondée pour développer quoi que ce soit
de solide.
Très souvent, le deuxième facteur est
présent et vous entendrez souvent : « De toutes façons, ils
ne savent pas ce qu'ils veulent, ces MOA! ».
On retombe dans les travers du cahier
des charges qui peut changer trop
souvent.. |
Évolution des relations
MOA - MOE
[Longepe]
nous en indique 4 phases :
1/ Règne de l'informatique
(1960-1970).
On y trouve des SI
de gestion et de production.
=> La MOA n'est pas encore vraiment
présente. C'est le règne de l'informatique et de ces
techniciens.
=> la MOE analyse les données
a posteriori. Il s'agit d'informatiser des tâches
administratives répétitives, sans véritable réflexion
stratégique.
2/ Vision utilisateur (1980)
On y trouve encore des SI
de gestion et de production, mais devant les
échecs de certains projets informatiques, les directions
métier ne peuvent plus uniquement la responsabilité des
échec sur l'informatique.
=> la MOA apparaît et rédige
essentiellement un cahier
des charges afin d'expliquer
à la MOE ce qu'elle veut.
=> la MOE écoute la MOA pour formaliser
spécifier
les fonctionnalités attendues. Mais souvent, c'est lui qui
propose sur la base des possibilités techniques, et la MOA se
prononce par écart.
3/ Vision métier (1990)
On y trouve des SI
décisionnel et surtout une prise de conscience du
besoin d'une vision globale et non plus projet par projet de
la maîtrise d'ouvrage. Cette prise de conscience a été pour
l'essentiel provoqué par l'informatisation de l'ensemble des
domaines des entreprises ou organismes. C'est à cette époque
que les Directions des Systèmes d'Informations (DSI)
succèdent aux Directions Informatiques (DI).
=> La MOA explique et analyse des
données du passé pour formaliser des décisions métiers.
le pouvoir concernant le système d'information bascule
souvent du côté métier.
=> La MOE est de plus en plus à
l'écoute, avec peu de force de
proposition. Techniquement, tout est de plus en plus
accessible, mais aussi en constante évolution, et la MOE a du
mal a faire entendre raison à la MOA : les besoins de
cette dernière (MOA) changent trop souvent... et les moyens
technique du premier (MOE) n'arrêtent pas de changer!
4/ Vraie collaboration MOA-MOE (2000
et plus)
On y voit le développement des SI
stratégiques, ce qui requiert toutes les
compétences nécessaires, à savoir à la fois des
compétences métier et des compétences en organisation, en
conduite de changement et en informatique.
=> La MOA doit maintenant spécifier
la mise en oeuvre du futur (donc tenir compte du
métier et de ses évolutions)
=> La MOE formalise mais également
prototype ces connaissances métiers évolutives au
sein d'un
cycle Itératif.
On le voit, les relations MOA-MOE doivent
passer par une vraie collaboration. C'est encore loin d'être
toujours le cas !... |
Un
phénomène typiquement français ?
J'ai commencé à avoir des doutes sur
l'existence "internationale" du concept de maîtrise
(d'œuvre et d'ouvrage) lorsque j'ai cherché une traduction
de ces termes en anglais. Et là, surprise : j'ai eu un mal de
chien à trouver une seule traduction.
Le seul document qui fait clairement
référence à ces maîtres ne concerne même pas
l'informatique, mais la construction
[PDF] ou FASP. Il traduit :
- maîtrise d'ouvrage par project owner ou client
(presse
francophone), plus rarement sponsor;
- maîtrise d'œuvre par project supervisor ou
project
manager (presse
francophone) ou lead contractor (lexiquegtr).
Ces traductions (client - manager) sont également confirmées par
nos collègues belges cfwb.
Ces traductions mettent bien en valeur une
relation client-fournisseur, "celui qui paie" et
"celui qui fait". Or cette façon de faire n'a pas
vraiment cours dans la culture anglo-saxonne. Fait
révélateur, le CIGREF (Club
informatique des grandes entreprises françaises, qui existe
depuis 1970 et dont la finalité est la promotion de l’usage des
systèmes d’information comme facteur de création de
valeurs pour l’entreprise) traduit bien, dans sa nomenclature
2001 [PDF], maître d'œuvre,... mais pas maître
d'ouvrage.
Un consultant d'une grande boite de conseil
me le confirme : après avoir fait plusieurs missions en
Belgique et au Luxembourg, de culture plus anglo-saxonne dans
la conduite de leurs projets informatiques, il rentre à
regret en France.
En effet, me dit-il, cette distinction est
plus une séparation de pouvoir qu'autre chose.
Il s'agit de deux savoirs (le client et son
métier face au fournisseur et sa technique) qui s'opposent.
Le problème, c'est que ces deux savoirs s'affrontent sans
proposer de réel savoir-faire.
La culture anglo-saxonne est beaucoup plus
basée sur le savoir-faire ou
"process" (avec les steps,
milestones, ...), dirigé par un team leader, et comprenant
des gens aussi bien fonctionnel (bonne connaissance métier)
que technique. Leur process se base souvent sur des "streams"
architecturaux, tels que ces sphères architecturales
: des équipes "business",
"fonctionnelles", "applicative" et
"technique" qui se réorganisent ensuite par projet
applicatif, avec dans chaque projet, des gens
"business", "fonctionnel",
"applicatif" et "technique".
Cf. Informaticien
et Français ? - Verticalement - Dur!.
Certes, la vision du client MOA qui dirige
le fournisseur MOE peut marcher... mais engendre surtout des
organigrammes de collaborateurs excessivement compliqués
surtout quand :
- la MOA décide de se faire assister (on a dont une
assistance à maîtrise d'ouvrage qui dirige et conseille une
maîtrise d'ouvrage qui elle-même dirige une maîtrise d'œuvre
! Cela peut d'ailleurs se révéler dangereux en cas de régie de régie) ;
- l'organigramme du projet devient virtuel, parce qu'un
"vrai" organigramme
montrerait telle personne au dessus de tel autre alors qu'il
s'agit, dans la hiérarchie de l'entreprise, de son
subordonné ! Du coup, on préfère publier de
"faux" organigrammes pour ménager les
susceptibilités de chacun !... pffff....
Cette "division" (pour mieux
régner ?) permet sans doute aussi de mieux diluer la
responsabilité en cas d'échec, à l'opposé du
"process" anglo-saxon où les "leaders"
(ou "managers") sont clairement identifiés et sont
les premiers à sauter !
Cf. aussi |
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