1985 :
L'expertise, ça paie!
Remettons-nous dans le contexte :
au milieu des années 80 (les "années-fric"), la
micro-informatique balbutie mais s'introduit
petit-à-petit dans le monde industriel. De plus,
les mainFrames et autres gros systèmes
informatiques industriels sont déjà là, et
bien là.
Pour faire marcher tout ceci, il y a encore peu
de personne. Celles qui se présentent ont, faute
de formation encore très formalisée, une
sérieuse notion de l'apprentissage
auto-didacte et de l'auto-formation permanente.
Ce sont des passionnés et, en l'espace de deux
ou trois missions, ils deviennent vite des
experts.
Leur prestation se caractérise alors par du *conseil* et une réalisation
technique. Ils connaissent plus de chose
que leur chef de service et ces derniers les
"respectent".
Côté salaire, une forte demande de prestation
alliée à une faible offre de service entraîne
des salaires confortables,
dépassant allègrement les 300KF...
1990 : Les premiers loueurs de viande
Le phénomène est simple à
comprendre : de plus en plus de jeunes
ingénieurs sont au fait des dernières
technologies informatiques. Si la demande de
prestation reste élevée, l'offre augmente
également. Trois pièges se profilent à
l'horizon...
- Les effectifs montent
afin de faire face à la demande. Cela serait
très bien s'il n'y avait pas le piège n°2 :
- Les salaires restent
relativement élevés. Même s'ils ne
progressent plus au même rythme, les
"nouveaux" sont renseignés et tiennent
à trouver rapidement un niveau de salaire
comparable à leurs proches aînés.
- Les SSII se laissent
tenter par le forfait. C'est le nouvel
Eldorado : un forfait
bien mené peut faire
gagner beaucoup d'argent! En plus, les clients
qui sous-traitent ainsi leurs projets
informatiques connaissent en général peu cette
technologie : il leur est ainsi difficile de
contrôler les coûts qui leur sont proposés et
les délais qui leur sont "imposés".
Bref, le forfait, ça rapporte !
1991 - 1996 :
La crise!!!
Pour différentes raisons
économiques et/ou géo-politique (comme, par
exemple, la guerre du Golf), c'est la crise.
[Cf. aussi Informaticien
et Cadre ? - Qu'est-ce qu'un cadre ?]
Si l'on examine les trois pièges exposés lors
du paragraphe précédent, il n'est pas étonnant
de constater que les
premières victimes sont les SSII qui ont tout
axés (ou presque) sur les forfaits. Les
contrats sont stoppés nets et aucun nouveau
contrat ne vient les remplacer...
Les plus grandes SSII se retrouvent donc avec un
personnel important mais inactif sur les bras. Elles ne peuvent pas virer tout le monde et, à moins de se résoudre
à déposer le bilan, elles se retournent
naturellement vers la régie
: il s'agit de louer
les prestations techniques de leurs ingénieurs
à des clients. Cela rapporte moins mais c'est
moins risqué. Si le client se casse la figure,
cela n'a pas trop de conséquence pour la SSII.
Il lui suffit de recaser l'ingénieur ailleurs...
Le problème étant évidemment de trouver cet
"ailleurs"!
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Virage
vers la régie : conséquences
Cette (r)évolution ne s'est pas
faite sans mal :
- D'abord, certains ingénieurs avaient des
contrats de travail comportant une clause de mobilité géographique
*régionale* (au hasard, le sud-ouest!).
Or, ne nous voilons pas la face, lorsque la crise
s'est installée, les possibilités de régie ne
se trouvaient plus guère qu'à... Paris. D'où
quelques "tensions" entre les SSII et
certains de leurs salariés peu mobiles. Ces
derniers pouvaient en effet, en cas de désaccord
important sur leur lieu de travail, forcer leur
société à les licencier (comme cela est
précisé dans
la partie "déplacement" de la Syntec).
Et licencier quelqu'un coûte cher...
- De plus, pour réussir à caser autant de monde
sur un marché qui s'était considérablement
rétréci, il a fallu...
casser les prix! Ceux-ci ont chuté
jusqu'à atteindre 800 F.H.T./jour...
(aujourd'hui-08/98-, ils sont de l'ordre de 2500F
H.T./jour, c'est-à-dire en gros 50000 F.H.T. par
mois). La situation a empiré jusqu'au point où
certaines grandes SSII allaient même jusqu'à
vendre des prestations à perte! Bien sûr, les
clients ont très vite réalisé toutes les
implications de cette situation et ont fait jouer
la concurrence à outrance !
Fin 1996, bilan : Les effets de la
crise...
Les effets sont multiples et
pervers :
1/ Inutile de préciser que la
fameuse notion de consultant, expert technique
respecté, a été réduite à néant :
Non seulement le prestataire apporte peu de
connaissances par rapport à de jeunes embauchés
qui en connaissent souvent autant que lui, mais
en plus, il est vu avant tout comme un
exécutant. Les vraies décisions se prennent au
sein de "direction des services
informatiques", aujourd'hui bien en place et
bien mieux renseignées et compétentes qu'il y a
10 ou 15 ans.
En clair, notre ingénieur informaticien moderne
est passé du statut de
"consultant-expert-technique" à celui
de "prestataire-intérimaire".
2/ Le marché a été
inondé de prestataires et cela n'a pas plu, mais
alors vraiment pas plu aux salariés. Ces
derniers se sont rendu compte que leurs patrons
considéraient le prestataire comme une masse
salariale bon marché et "souple"
(c'est-à-dire remerciable dans un très court
délai et sans frais : les contrats de régie se
renouvellent tous les trois mois). Plutôt que de
faire évoluer le personnel en place, il était
donc devenu plus "pratique" de faire
travailler cette manne inespérée de cerveaux
peu chers!
[Rq : fin 2002, ces prestataires sont
plus nombreux que jamais, cf. slide
n° 4 de la présentation
"Prestataire en SSII"... et
c'est pourtant la crise!]
3/ Les salaires des
prestataires ont bien évidemment chutés
: on est passé d'un salaire d'embauche
supérieur à 200KF en 1985-1990 à... 160KF.
Les autres salaires ont suivis et, pour beaucoup,
la désillusion a été rude!
4/ Du coup, les taux de
"turn-over" des SSII se sont tassés
: personne n'osait partir... Ce qui ne facilitait
pas l'augmentation des salaires!
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