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Un 2ème Indépendant raconte :
« et en plus, j'suis patron ! »
(«
et heu... bon ben je
m'en serais bien passé !"
»)
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4 ans après le témoignage
d'un premier indépendant, un nouvel aventurier
remet le couvert avec au menu une nouveauté : en plus de
passer indépendant, cet ingénieur a décidé de monter sa SSII
!
Et alors ?... Heu, le tableau ainsi brossé
par cet indépendant n'est pas très gai, mais il est
instructif.
Mes "questions" sont en italique rouge.
Les renseignements essentiels de cet
entretien sont soulignés.
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Alors, pourquoi avoir choisi
"l'indépendance" ?!
En fait, pour bien comprendre le contexte, il faut
remonter au début de mon expérience tout début 90 (1990!). J'ai
commencé bien sûr par une SSII... qui au bout de quelques mois a
réussi, après une mission courte, à me caser sur une mission très
longue (21 mois... et encore c'est moi qui en suis parti). Cette
première expérience a comporté plusieurs points négatifs :
- en tant que jeune qui n'en veut et qui n'y croit,
je me suis impliqué au cœur même de ma société de service puisque
je suis rapidement devenu délégué du personnel... mais j'ai
vraiment constaté que cela ne servait pas à grand chose. Pour une
SSII, le délégué du personnel, surtout en ces temps de crise (1991-1996),
sert surtout à "être présent", à la boucler et à
approuver les décisions des patrons... En clair, les moyens de
contestations et de pressions étaient... pour le moins limités.
- ma boite a été racheté, sans que jamais les
nouveaux employeurs ne s'intéressent vraiment à ma situation
(j'étais casé sur ma mission longue, ils étaient contents...) ;
- en définitive, voyant que l'on ne voulait pas
que je change de mission... je claqué ma lettre
de dém'.
Et vous êtes devenu indépendant !
Non, je suis d'abord passé par une autre SSII,
plus importante (700 personnes à l'époque). C'était le milieu des
années 90, Powerbuilder était en pleine bourre et j'avais acquis une
bonne expertise sur le sujet. Mais surtout, j'avais une autre
ambition... internet.
Sentant le vent tourner dans cette direction, j'ai
proposé à ma SSII de créer un département "internet".
Hélas, je l'ai proposé un poil trop tôt, avant le décollage réel
de ce secteur et ma boite, ne voyant pas de résultat immédiat, a
fermé le département 3 mois après son ouverture.
Je suis retombé dans les forfaits PowerBuilder et
dans les formations (que je donnais, je n'en recevais
jamais...).
C'est alors que "j'ai pris conscience"...
Conscience de quoi ?
Que si je "voulais essayer ce que je
voulais", il fallait que je passe indépendant. Mon ambition
était de proposer des prestations dans le domaine internet. Au
départ, j'envisageais un audit de site web qui allait bien plus loin
que le seul aspect technique.
Dans le prolongement de l'argument précédent,
être indépendant impliquait pour moi la possibilité d'effectuer des
missions plus courtes.
Et puis il y a le problème de la propriété
intellectuelle. En tant que salarié, même si je développe du
code... il appartient à mon employeur !!! En tant qu'indépendant,
tout module que je suis amené à développer m'appartient.
Et vous êtes devenu indépendant (bis) !
Cette fois oui, début 97. Les formalités sont
très simples. Je me suis inscrit auprès de l'URSSAF en tant que
"ingénieur conseil avec statut de profession
libérale".
Certes, la couverture sociale est moins complète
(mais un peu moins chère!), la retraite est moins importante et les
congés... ne sont pas payés!
Ce statut implique également la confusion du
patrimoine privé et professionnel. Pour compenser la perte des 10 et
20% de déduction fiscale dues aux salariés, il faut s'inscrire
également à une association de gestion agréée et suivre une demi
journée (!!!) d'introduction et initiation à la comptabilité.
A la vue de cette ridicule initiation comptable, il
faut mieux avoir le "réflexe comptable".
"réflexe comptable" ?
C'est-à-dire ?
Cela signifie qu'il est fortement conseillé de
prendre dès le début un comptable. Il doit exercer pour les
"professions libérales", afin qu'il soit bien au courant
des formalités qui nous concernent, indépendants.
Au passage, mieux vaut s'adresser à un
"expert-comptable", car il doit jouer un rôle de conseil en
plus du seul aspect comptabilité. C'est ainsi que j'ai appris que
l'option "profession libérale" était certes un choix très
facile à mettre en œuvre, mais pas forcément le plus judicieux.
Dans l'absolu, se mettre en EURL eut été plus avantageux, mais
bon... En tout cas, il n'est pas inutile de la consulter avant
de passer indépendant... même si cela implique de payer plus cher
(puisque ses conseils ne seront pas compris dans le forfait mensuel
que vous lui paierez une fois indépendant).
Pour trouver un tel expert-comptable, toutes les
sources de renseignements sont bonnes à prendre, y compris le service
comptabilité de son ancien employeur !
[Précisons qu'un expert doit
être inscrit au tableau de l'Ordre des experts-comptables et
comptables agréés, bien qu'il puisse être désigné en dehors des
professionnels inscrits au tableau de l'ordre dans le ressort de la
cours d'appel du siège de l'entreprise. Le fait que le travail soit
effectivement réalisés par des collaborateurs non inscrits au
tableau, qu'ils signent le rapport et participent à la réunion du
comité au cours de laquelle sont présentés les résultats de la
mission est sans importance dès lors que l'expert-comptable, ou le
cabinet, a bien assuré la responsabilité du travail et que celui-ci
est conforme à la mission confiée. [Cass. soc. 10 juillet 1995,
n° 92-17.010]
La mission de l'expert comptable est
constituée par l'analyse de tous les éléments d'ordre économique,
financier ou social nécessaires à l'intelligence des compte et à
l'appréciation de la situation de l'entreprise par les représentants
du personnel (C. travail, art. L. 434-6).]
Parmi les autres détails "pratiques", on
notera que la déclaration des impôts pour les professions libérales
se fait fin avril et non fin mars comme pour les salariés. Cela vient
du fait que fin mars, on envoie sa situation fiscale à l'association
de gestion agréée déjà évoquée précédemment. Cette gestion
prend un mois. Mais il faut savoir que son conjoint, même salarié,
peut être associé à la déclaration fiscale du couple. Ce conjoint
a donc un mois de plus pour calculer et déclarer ses impôts :)
Donc côté "comptabilité", tout
s'est bien passé, alors ?
Certes, mais il faut avoir bien conscience dès le
début de la règle des trois
tiers que vous évoquez dans
votre premier
témoignage. [Rappel, cette règle
s'applique pour les sommes TTC que vous encaisserez. Il vous faut
rapidement restituer la partie HT. Le reste se divise alors en très
gros en 2 : la moitié en charges et impôts, le reste pour vous.] Surtout que, au début, je suis
tombé dans un piège supplémentaire. Étant passé indépendant en milieu
d'année, mes revenus au titre de profession libéral (mes
"bénéfices non-commerciaux") ont été deux fois moins
élevés que les années suivante. Il faut donc attendre 2 ans avant
de prendre la pleine mesure de la retenue de l'URSSAF!
En plus, il vous faut choisir votre mode de
comptabilité :
- en Recette / Dépense : vous n'enregistrez les flux financiers qu'à
la date où ils rentrent ou sortent de vos caisse. C'est plus sûr,
mais il vous faut provisionner soigneusement pour vos impôts : beaucoup
de factures de novembre et décembre de l'année précédent celle de
votre déclaration d'impôt ne sont payées que en janvier, ce qui
aura une influence sur votre impôt final.
- en Créance / Dettes : l'opération est déclarée en date d'émission
de la facture, ce qui évite toute surprise quant au montant
théorique de revenus à déclarer, et qui lisse plus les revenus en
début et fin d'activité. Évidemment, le gros risque réside dans le
défaut de paiement d'un client !
On ne peut changer qu'une fois de système par
année. En pratique, mieux vaut demander conseil pour faire son
choix.
En relisant vos ambitions (cf. plus
haut)... je me rends compte que vous
employez beaucoup le "passé" dans vos verbes. Tout ne se
serait-il pas passé comme prévu ?
En fait, le vrai gros problème susceptible de
mettre un frein à toutes ces belles ambitions (mission courte,
conseil, audit, ...), c'est l'aspect commercial.
Dès le début de ma "carrière"
indépendant, j'ai choisi la sécurité : j'étais prestataire sur une
mission pour ma SSII en tant que salarié... et j'ai continué la
même mission (jusque fin 97) en tant qu'indépendant! (la SSII
prenait sa "petite commission", de 20%!).
Ensuite, pour les autres missions... j'ai continué
à passer par des commerciaux de SSII, ce qui est en contradiction
directe avec l'ambition "mission courte", puisque
l'intérêt d'une SSII au niveau de la régie est de placer le
prestataire le plus cher possible et le plus longtemps possible !
Évidemment, cette procédure a le mérite d'être
simple. Il faut se fixer une facturation plancher (dans mon cas, 2500
F/HT par jour, soit 381,12 € de nos jour). Certes, cela correspond
à une facturation de débutant, mais il ne faut pas oublier la
commission de l'intermédiaire (la SSII) qui fait que, pour le client
final, vous coûtez 3125 F/HT par jour, soit 476,4 €. Du point de
vue d'un client, ce n'est pas trop cher pour un consultant de 7 ans
d'expériences professionnelles (7 ans au moment de mon passage au
statut d'indépendant en 97).
Et en plus, vous êtes riche !
Franchement ? Pas vraiment. A moins de pouvoir
facturer beaucoup plus que les 380 €/HT (2500 F/HT)
évoqués ci-dessus... cela
revient grosso modo à une situation de salarié... sans les avantages
du salarié! Mais au moins, c'est moi le patron, celui qui choisit les
missions. Enfin en théorie...
Pourquoi en théorie ?
Comme je vous l'ai dit, le fait de passer par un
intermédiaire telle qu'une SSII fait que vous vous retrouvez sur des
missions longues très facilement. Pour avoir une vraie indépendance,
je me suis rendu compte qu'être seul était un mauvais plan. On tombe
vite dans la facilité qui consiste à déléguer l'aspect démarchage
de client, et on a aucune crédibilité pour répondre à des forfaits
qui, en 98-99, commençaient à
se développer à nouveau.
J'ai alors pensé à quelques solutions pour
devenir "plus gros", comme par exemple à une
"confédération d'indépendants" ou à un GIE (groupement
d'Intérêt Économique)... mais finalement, j'ai
choisi de monter ma boite, avec 2 autres collaborateurs rencontrés au
cours de précédentes missions longue durée.
Et vous êtes devenu patron !
Ouais enfin, patron "par défaut",
parce qu'il en fallait un. Fin 98, j'ai donc, après avoir consulté
mon expert comptable favori, monté une SARL, au capital de 30490 € (200000 F).
Il suffit entre autre d'aller à sa banque pour y ouvrir une
"compte entreprise", sur lequel on dépose le capital. Ce
capital reste bloqué jusqu'à la création de l'entreprise.
L'expert comptable est indispensable, et pour une
petite société comme la notre, il faut compter en gros 229 € (1500 F)
par mois, pour que ce comptable s'acquitte de ses tâches, entre autre
la rédaction des
fiches de paie.
Et alors ? L'ivresse du pouvoir ??
L'expansion internationale ???
C'est ça, moquez-vous... En fait, avec le recul
cela représente beaucoup de boulot pour pas grand chose. Surtout
qu'un certain nombre d'"erreurs" (conjoncturelles ou
factuelles) ont été commises.
A savoir :
- Arrivé début 2000, après 15 mois d'activité,
le bilan du premier exercice était positif, avec 106715 €
(en gros 700000 F) en trésorerie et 30490 €
(en gros 200000 F) de bénéfice! On a voulu s'agrandir...
juste avant le début de la crise (à partir d'avril
2000) ;
- On a donc embauché un commercial, ce qui a
considérablement augmenté les frais de fonctionnement de la
société (hé oui, un commercial, cela a besoin de locaux et de
matériel)... en plus, il nous a semblé bien, mais on a confondu
l'aspect sympathique et l'aspect "commercial" : en clair, il
n'était pas suffisamment vendeur. Il s'en est rendu compte par
lui-même et est parti se reconvertir en... conseiller en recrutement
!!!
- On a embauché 2 jeunes dotés d'un bon état
d'esprit, de capacités techniques réelles,... bref des bons, quoi !
Sauf pour un "détail" : l'un était noir et l'autre
arabe... et on ne m'ôtera pas de l'idée que le marché du travail
français n'est pas aussi "ouvert" que le pays des droits de
l'homme voudrait le faire croire. Bref, la tâche du commercial s'en
est trouvée compliquée.
- On s'est retrouvé jusqu'à 6 prestataires pour
un commercial qui devait nous gérer et assurer le travail de
prospect... ce qui est "difficile" (peu réalisable dans de
bonnes conditions)... en fait, certaines missions ont même été
trouvées par l'intermédiaire d'autres SSII (moyennant toujours une
"petite commission"!) ;
Bigre... et vous en retirez quoi, de tout ça
?
Ben vue la situation économique actuelle, la
première chose que j'ai retirée de cette expérience, c'est du
personnel. On est monté jusqu'à 6 personnes. Aujourd'hui (mi-2002),
on est 2. Moi et un salarié. Un des fondateurs a démissionné... bref, l'objectif initial qui était de grossir pour
passer au statut de SA est mort-né.
Mais plus inquiétant concerne l'impression
générale qui me reste de cette aventure : on ne peut diriger ce type
d'entreprise en restant honnête *à la fois* avec le client et avec
ses salariés. Un jour ou l'autre, vous aller devoir :
- pipoter le client, afin de lui refourguer à tout prix un
prestataire (et éviter le poids, très pénalisant pour une petite
société, d'un inter-contrat);
- pipoter le salarié, pour le convaincre à tout prix d'accepter
une mission... pas vraiment séduisante.
Et puis, en plus de la conjoncture difficile, mieux
vaut avoir les reins solides...
Les reins solides ? Pourquoi ?
A cause des délais ou des défauts de paiement !
En 2000, un client n'a pas payé (il est en
redressement judiciaire), et c'est en gros 38 K€ (en
gros 250 KF) qui s'évanouissent dans la nature. Pour les
récupérer, on avait le choix :
- soit les récupérer à raison de 12,5% par an pendant 8 ans... mais
qui nous garantit que ma société existe encore dans 8 ans !!!
- soit en toucher 50% fin 2001 et 15% en 2004 (donc 35% de perte
sèche sur ce contrat).
En plus, le service achat de certaines grosses
boites est très lent à réagir. J'ai déjà fait une mission de
février à mai 2001, pour un contrat qui n'a finalement été signé
que en juillet (!) et payé en août (!!).
Okok... pas super enthousiasmant tout cela !
Alors l'avenir ?
Seul l'avenir le dira!
2 éléments militent en faveur du maintien de la
société :
- je n'ai pas envie de licencier le dernier salarié simplement
"par confort" (pour ne plus avoir à m'occuper d'une société)
;
- la société doit encore exister en 2004 pour toucher les
derniers 15% du défaut de paiement évoqué ci-dessus.
Précisons que l'avantage des 2 statuts (indépendant
et gérant de SSII) me permettait vis-à-vis des autres
actionnaires d'être très clair sur mon action de gérant : je
facture à la SSII ce que je facturais précédemment et je ne pique
pas dans la caisse (je n'ai aucune charge associée à mon statut, je
reste gérant bénévole). Maintenant, à terme, un des 2 statuts
disparaîtra...
Pour résumer, je dirai :
- indépendant : ok, pourquoi pas! Mais l'aspect
commercial (se vendre) est difficile, donc on préfère passer par des
intermédiaires et du coup, les missions longues sont difficiles à
refuser !
- patron de SSII : beaucoup d'efforts pour peu de
résultat et une façon de pratiquer le métier qui devient vite
"trouble".
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