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Management :
Informaticien et Français... (3 / 3)
(Informaticiens sous
contrat mais au dessus des lois)

Culture "rebelle"
[Management],
[PBaudry], [wdhb], [PDrucker85], [DARES]


    Et voilà, il fallait bien que cela arrive après ces années d'études... vous voici au boulot, au travail, au taf', quoi! Mais attention, pas n'importe quel boulot. Un boulot fait avec une mentalité française, et ça, pour la rigueur de l'ingénieur informaticien que vous possédez, cela pose quelques problèmes...
    Non seulement ce travail comporte des aspects
implicites déjà abordés, non seulement il se fait dans une ambiance très verticale où le client se trouve toujours en bas de la hiérarchie et a toujours tort... mais en plus, ce travail se fait dans un cadre contractuel ! Dura Lex, sed lex.
    Et la lex, justement, reste bien floue pour l'informaticien français que vous êtes.
    Illustrations.

    Comme les précédents articles, celui-ci se base sur des comparaisons permanentes entre les cultures américaine et française. Il ne s'agit de trouver l'une "meilleure" que l'autre, mais simplement à mieux comprendre notre culture et ses "implications" dans le domaine informatique.


 



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Informaticien & Français : vertical



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Le problème : la relation au Droit
    A l'origine de notre relation au droit, il y a une... révolution. La révolution française a accouché, dans son article 6 de la Déclaration des  droits de l'Homme, à l'affirmation de  l'égalité de tous les citoyens entre eux (la devise initiale était même "Liberté, Égalité ou la Mort"). [PDrucker85]
    Cela entraîne la responsabilité sur tous et non chacun.
    A l'opposé, les États-Unis fondent l'égalité de chaque citoyen devant la Loi.
    Responsabilité collective contre responsabilité individuelle. Sans s'attarder sur les avantages ou inconvénients de la seconde, la première implique que tous étant responsable, personne ne l'est. (cf. la blague sur les Lois du Travail ;) ) 
Cela tend à engendrer un droit de l'évitement. [PBaudry]
    Ce qui suit reprend différentes contrats que vous serez amené à signer ou à mettre en oeuvre au cours de votre parcours professionnel. Cela met ainsi en évidences les travers de cette relation au droit à la française...


Étape 1 : le contrat de travail

    Un contrat synallagmatique (qui engage - ou oblige réciproquement - les 2 parties) se vit différemment entre les 2 continents. Certes, le contenu est le même : 2 personnes (physiques ou morales) dont aucune n'exerce une influence indue sur l'autre et qui toutes deux obéissent à la même loi, se mettent d'accord sur la chose et sur le prix.

    Les américains se tiendront scrupuleusement aux termes de ce contrat dans le cadre de leur relation (horizontale) de travail. C'est d'autant plus vrai que leur système juridique est efficace et rapide (que ce soit pour un petit délit ou un gros, comme pour, en moins d'un an d'enquête, mettre hors service le cabinet de consulting Andersen, négociant dans la foulé avec une dizaine d'institutions financières une indemnité de 1,4 milliards de dollars pour avoir trompé le public en matière d'investissement boursier!)
Cela a un inconvénient : les américains trouvent le cadre juridique tellement efficace qu'ils le placent au-dessus de la morale. Donc tout ce qui n'est pas contractuellement interdit... est autorisé! [PBaudry]

    Pour le français, le droit est fondamentalement... "flexible". Cela rentre dans le jeu de pouvoir déjà décrit par ailleurs : la tolérance du non-respect de la loi vient renforcer la verticalité française.
Ainsi, par exemple, dans la relation contractuelle entre le prestataire de service vis-à-vis de son employeur, les clauses sont souvent utilisées en dehors de leur intention initiale :
   * la période d'essai sera utilisée par le prestataire pour courir deux employeurs à la fois (enfin, ça c'était à la grande époque 2000-2001!), ou elle sera utilisée par l'employeur pour prolonger au maximum le contrat tout en se réservant - alors qu'il a déjà eu l'occasion de tester l'ingénieur - d'y mettre fin à tout moment, sans préavis ni indemnité, parfois dans des conditions encore plus tordues. Sur ce seul sujet, le flou artistique culmine avec les conventions collectives qui prévoient un préavis alors que le principe même de la période d'essai en est dépourvu (ex : Syntec).
   * la clause de dédit-formation est "en principe" dégressive et ne doit pas faire obstacle à la démission... en réalité, elle est souvent un frein aussi puissant que flou, la nature le prix exact des formations qui sont concernées par cette clause sont rarement connue!
   * la clause de non-concurrence a longtemps été utilisé comme un simple instrument de dissuasion... jusqu'à ce que les juges, excédés, ne viennent y mettre un terme par une jurisprudence fameuse (du 10 juillet 2002).
    Ce dernier cas illustre bien la culture du principe qui règne dans le droit français, par opposition à la culture américaine de la règle ([PBaudry]). "En principe", une clause de non-concurrence vise à protéger les intérêts de l'entreprise. En pratique, c'est n'importe quoi.
Cela est détaillé dans le paragraphe suivant.


Étape 2 : Le contrat de prestation

    Le contrat dont il s'agit ici concerne aussi bien celui qui défini une prestation pour le prestataire (l'ordre de mission) que celui qui lie une SSII avec son client, ).
    Baudry précise bien, dans cette culture du principe, que l'on commence par l'interdiction, puis on octroie des autorisations (ou l'on tolère des passe-droit, ajouterai-je), puis ensuite, on s'accommode. ([PBaudry])
    Cela décrit avec une surprenante acuité la situation des SSII sur le marché du travail.
- Vis-à-vis de leur prestataire, un document fort qui matérialise pour ce dernier la réalité de sa mission s'appelle l'ordre de mission. En principe, il existe toujours. En pratique, ne rêvez pas, vous ne le verrez jamais! Sauf en période de crise. Là on vous sort un ordre de mission en bonne et due forme, pour un projet situé à 3 heures de trajet de chez vous. Vous refusez. Licenciement pour faute grave.
- Vis-à-vis du client (pour la régie) : tout le monde connaît la situation ambiguë qu'occupe les SSII par rapport aux agences d'intérim. "En principe", la valeur ajouté de la SSII est de vendre une prestation technique bien défini. Le client ne doit diriger le prestataire mais attendre de la SSII la réalisation de la-dite prestation.
En pratique, le contrat est flou, la mission peu définie, le prestataire souvent pris en mode "body-shopping". La SSII n'a qu'une vague idée de ce vous allez faire chez le client... idée qui se révèle souvent complètement à côté de la plaque (et ce n'est pas entièrement anormal : vous vous adaptez aux besoins du clients, faisant évoluer naturellement votre mission... mais il n'est pas rare que celle-ci, dès le début, part dans une toute autre direction que ce qui a été signé!)
En réalité, vous êtes aux ordres du client, que ce soit pour vos tâches ou vos congés.
Alors bien sûr, tant les services juridiques du client que vos employeurs s'emploient à "arrondir les angles". Les contrats sont bien définis et ne citent jamais de nom de personnes. La mission est précisée, avec les critères de réussite, et les livrables attendus. Vous ne faites jamais signer vos congés par le client(!), toujours par votre employeur normal. Etc.
En réalité, vous êtes dans une boite d'intérim, et les vraies sociétés de type le savent et font savoir leur mécontentement.
Mais comme précisé en début de paragraphe, "on s'en accommode". Le chômage est déjà élevé. Il est inutile de remettre en cause un système qui eut un jour sa justification (n'oublions pas que les SSII s'inscrivent dans un processus de mise en œuvre d'une technologie bien identifiée à forte valeur ajoutée, identifiée par la stratégie, déclinée par des cabinets de conseil et enfin implémentée par... les SSII).


Étape 3  : contrat de réalisation

    Il s'agit de celui liant  une boite chargée de délivrer une prestation (dans le cadre d'un éditeur ou d'un fournisseur de forfait). Il a pour avantage d'être plus clair, plus défini. Pas question de "changer radicalement de direction". Le forfait porte sur la réalisation d'un portail internet et c'est exactement ce qui a été signé.
    Oui mais.
    Pour les français, la signature du contrat ne marque pas l'aboutissement d'une négociation, mais le début d'une relation (verticale, évidemment, dans laquelle le client aura toujours tort).
    La devise qui caractérise cette philosophie : vous l'entendrez souvent dans le cadre de projet informatique  : "L'avenant, c'est l'avenir!". Cela veut bien dire - accrochez-vous - que le fournisseur de service s'appuie sur les aspects flous et mal définis du contrat pour mieux les réaliser sous forme d'avenant, lorsque plus tard (mais trop tard) le client s'en rendra compte...
    Tout cela illustre que, aux États-Unis, on se met d'accord sur le contrat avant de le signer. Tout est négocier de bonne foi, c'est à dire avec un strict alignement entre les intentions et les actes. "good faith", sans intention trompeuse ([PBaudry]). En France, on passe son temps à se mettre d'accord après, le client cherchant au dernier moment à faire passer le plus de choses possibles, le fournisseur cherchant à facturer ces mêmes fonctions supplémentaires dont il aura soigneusement esquivé la mention lors de la négociation initiale et dont le client découvrira trop tard la nécessité...
    De plus, mais cela évolue beaucoup, il existe parfois 2 contrats pour une même réalisation, le client étant amené à faire appel à 2 type d'interventions externes MOE et MOA (Maître d'OEuvre et Maître d'OuvrAge), ce qui est louable en soi, mais engendre tout un jeu de pouvoir vertical qui vient diminuer la productivité de l'ensemble : chaque parti veut respecter son contrat avec le client, sans toujours communiquer efficacement entre eux pour atteindre ce but...



Conclusion : méfiance.

    Oui, méfiance car ce qui précède pourrait donner une vision sombre voire - pire - cynique, de la façon dont se vit le Droit en France.
    Tout d'abord, insistons sur le faut que les comparaisons avec les pratiques américaines ne visent pas à mettre sur un piédestal ces dernières. Elles ont beaucoup d'inconvénients et de travers inquiétant, notamment sur le plan moral, mais aussi sur celui des abus (toujours plus de procès, pour des indemnisations toujours plus importantes...)
    Ensuite, ces exemples ne se veulent pas représentatifs de tous les milieux professionnels informatiques. En particulier, [DARES] met en évidence plusieurs milieux qui proposent des degrés variés de stabilité, relation professionnelle et de flexibilité du marché (selon que l'emploi possède un contenu très standardisé ou non). Ils offrent ainsi une relation au Droit plus saine et moins aléatoire que dans d'autres.
    D'une manière générale, les Français continuent leur apprentissage de la responsabilité de leurs actions, la liberté se mesurant à l'aune de celle-ci.
 



               
 
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